Une déclaration des coprésidentes de la CSU2030 à l'occasion de...
30 septembre 2020
Par Inke Mathauer, OMS; Fahdi Dkhimi, OMS; Matthew Townsend, Consultant.
Ce blog a été initialement publié en anglais sur le site Web de P4H.
Le rapport peut être consulté dans son intégralité ici.
La COVID-19 continue d’avoir de terribles répercussions sur les systèmes de santé et, dans le monde entier, des pays reconfigurent la prestation des services de santé afin de répondre à l’évolution des besoins de leur population. En même temps, les pays doivent garantir assurer la continuité des services de santé essentiels pour les autres patients que ceux atteints du COVID-19. Point important, les modalités d’achat jouent un rôle clé pour faciliter et soutenir les ajustements dans la prestation des services de santé individuels provoqués par la pandémie, que ce soit pour les services de santé en lien avec la COVID-19 ou non. Les responsables du financement de la santé au niveau national ont pris des mesures pour adapter leurs modalités d’achat.
Se basant sur une enquête en ligne qui a récolté des informations sur 31 pays à revenu faible ou intermédiaire, ce blog résume la manière dont ces ajustements des modalités d’achat ont été faits en réponse à la COVID-19, met en évidence les difficultés et explore les leçons qu’il est possible de tirer pour l’avenir.
L’enquête a abordé les thèmes suivants relatifs à l’achat :
- Les stratégies des acheteurs pour faire face aux besoins accrus de financement ;
- Les ajustements dans les prestations et le partage des coûts ;
- Les modifications dans les méthodes de paiement des prestataires ;
- Les changements dans les dispositions sur la contractualisation et d’accréditation des prestataires ;
- Les modifications des mécanismes de gouvernance pour les achats ;
- Les ajustements des modalités de gestion de l’information ;
- Les leçons pour l’avenir.
Résultats
La stratégie la plus fréquente que les acheteurs ont utilisées pour faire face aux besoins de financement grandissants ont été la réallocation des ressources existantes et une souplesse accrue dans l’utilisation des ressources financières. L’enquête a aussi montré que certains acheteurs ont eu recours au déficit budgétaire pour faire face aux dépenses imprévues. La majorité des pays de l’échantillon ont élargi leur panier de soins pour y inclure les tests, l’hospitalisation et les médicaments, plusieurs pays y intégrant également la téléconsultation et les soins à domicile. Dans la plupart des cas, le gouvernement a prévu la gratuité des soins liés au COVID-19 dans les services de santé publics.
Les acheteurs ont autorisé les prestataires à faire preuve de davantage de souplesse dans l’emploi des ressources financières. La levée temporaire du plafonnement budgétaire s’est avérée une adaptation capitale afin que les prestataires reçoivent des allocations budgétaires supplémentaires. Une autre mesure fréquemment introduite par les acheteurs est l’incitation financière pour motiver le personnel de santé travaillant dans des circonstances difficiles. En outre, près d’un tiers des pays ont cité la mise en œuvre de mesures, souvent sous forme d’incitations financières, pour encourager une plus grande disponibilité de lits en réanimation.
Près de la moitié des pays ont introduit de nouvelles procédures de contractualisation, ou ont modifié les procédures existantes, des centres qui offrent des soins de la COVID-19, en général pour simplifier et accélérer le processus d’approbation. Plusieurs pays ont aussi indiqué qu’ils avaient sélectionné des établissements précis sur la base de leur capacité à prendre en charge les patients COVID-19, mais sans un processus explicite de contractualisation. Néanmoins, la majorité des pays couverts par l’enquête n’ont signalé aucune modalité spécifique de contractualisation pour le secteur privé. Il a toutefois été noté que les prestataires privés ont joué un rôle important pour répondre à la hausse de la demande dans la prestation de services en lien avec la COVID-19. Les autorités gouvernementales ont commencé à se demander comment inclure officiellement les prestataires du secteur privé dans la riposte afin d’éviter ou de réduire les paiements à la charge des patients.
Pour coordonner la réponse sanitaire au COVID-19, le ministère de la santé a généralement mis sur pied un comité technique, mais dans la majorité des pays, d’autres mécanismes de coordination et de gestion de la crise ont aussi été mis en place à des niveaux plus élevés de l’État. La participation de ces hautes instances hiérarchiques pourrait améliorer la coordination entre les différents comités, donnant plus de cohérence à la réponse multisectorielle. Il est intéressant de remarquer que, dans les pays qui ont mis en place des organismes d’achat distincts comme une caisse d’assurance maladie, la participation de ces derniers dans les nouveaux mécanismes de coordination n’a pas été explicitement mentionnée.
Plus de la moitié des pays ont modifié leurs systèmes de gestion de l’information, en intégrant les obligations de rapportage pour la COVID-19 dans les systèmes existants quand cela était possible ou par un simple ajout de modules complémentaires, dans DHIS2 par exemple. Dans d’autres cas, de nouveaux systèmes distincts de gestion de l’information ont été introduits pour compléter les mécanismes existants. Dans quelques pays, la crise a été l’occasion d’améliorer la gestion de l’information pour l’achat de services et d’introduire des innovations. Néanmoins, dans la plupart des contextes, les systèmes de gestion de l’information sanitaire existants se sont révélés insuffisants pour produire des données granulaires sur les patients en lien avec la COVID-19.
Plusieurs leçons ont été partagées par les participants de l’enquête, un thème dominant étant l’importance de la souplesse dans l’emploi des fonds, et l’élargissement des prestations pour couvrir l’ensemble des services de santé liés à la COVID-19 par le biais du financement public, afin d’éviter les difficultés financières et garantir une réponse efficace.
Conclusions et prochaines étapes
En résumé, cette enquête a produit un vaste aperçu de l’évolution des dispositifs d’achat liés à la réponse au COVID-19 dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Presque tous les pays couverts par l’enquête ont adapté leurs dispositifs d’achat. Une question intéressante est de savoir si ces ajustements ont accéléré une réorientation vers un achat de service plus stratégique à moyen terme et quelles modifications vont perdurer à terme, surtout que nombre d’entre eux sont semblables aux changements appliqués dans les pays à revenu élevé où la pandémie de COVID-19 est apparue quelques semaines plus tôt.
Dans l’ensemble, les exemples fournis par les répondants, ainsi que beaucoup des difficultés décrites, renforcent les cinq mesures essentielles pour l’achat stratégique partagées dans un blog postérieur sur l’achat de services de santé pendant une pandémie :
- Veiller à ce que les fonds publics permettent la production effective de biens communs pour la santé à travers des modalités d’achat appropriées ;
- Élargir les prestations et informer le public avec des messages clairs et simples ;
- Adapter les méthodes et les taux de paiement aux nouvelles modalités de prestation de services et garantir la continuité des flux de financement vers les prestataires de soins de santé ;
- Utiliser les capacités du secteur privé là où c’est possible et nécessaire ;
- Établir des mécanismes de gouvernance pour accélérer la prise de décision et fixer des normes claires en matière de rapportage d’informations clés.
De toute évidence, les réformes des modalités d’achat et des méthodes de paiement doivent à la fois viser une accélération de la couverture santé universelle tout en garantissant la sécurité sanitaire. Ces deux objectifs ne doivent en aucun cas être antagonistes mais faire partie d’une même stratégie. Une leçon capitale est que les modalités stratégiques d’achat doivent être en place pour permettre une adaptation rapide au contexte de crise d’une pandémie.
Afin de poursuivre la réflexion sur la meilleure manière de payer les prestataires pour les services de santé personnels ainsi que pour les fonctions de santé publique (comme les tests, le traçage des contacts, etc.) pendant les urgences sanitaires, ainsi que pour la préparation aux urgences et aux pandémies, il serait utile de disposer d’informations plus précises sur les adaptations réellement mises en œuvre par les acheteurs en termes de méthodes et de taux de paiement des services de santé existants ou récemment créés en rapport avec la COVID-19. De plus, le rôle joué par des organismes d’achat séparés (type assurance maladie) dans les mécanismes de gouvernance pour la gestion des crises mérite une attention accrue.
À titre de prochaine étape, il est essentiel que les décideurs politiques nationaux examinent dans quelle mesure les modifications des modalités d’achat mises en œuvre durant la crise de la COVID-19 ont permis de progresser et d’innover vers un achat plus stratégique. En dernier ressort, un travail d’évaluation de l’efficacité des ajustements observés dans les dispositions d’achat sera nécessaire non seulement pour savoir si cela a abouti à une efficacité accrue, à une meilleure transparence et à une distribution plus équitable des ressources, mais aussi pour déterminer s’ils ont eu un retentissement sur la couverture réelle des populations.
Les décideurs, les praticiens et les chercheurs sont invités à partager leurs pratiques et expériences nationales afin de faciliter l’apprentissage mutuel et de mieux comprendre quelles sont les interventions dans le domaine de l’achat de services qui sont utiles à la riposte en situation d’urgence ou de pandémie, ainsi que pour mieux préparer les pays aux situations d’urgence, et ce afin de tirer des leçons pour l’avenir.
Le rapport intégral peut être consulté ici
Si vous souhaitez partager des informations avec nous sur les ajustements effectués dans les dispositifs d’achat pendant la pandémie de COVID-19 dans votre pays, n’hésitez pas à nous écrire.
Par exemple :
- Comment les flux budgétaires destinés aux prestataires ou les méthodes et taux de paiement des prestataires ont-ils été modifiés pour les soins liés au COVID-19 et d’autres services de santé ?
- Comment les procédures de contractualisation ont-elles été adaptées pour les prestataires de soins de santé publics et privés ?
- Quel est le rôle d’autres organismes d’achat séparés dans les comités de décision relatifs à la réponse sanitaire au COVID-19 ?
- Quels ont été les principaux changements dans les procédures et/ou systèmes globaux de gestion de l’information (par exemple les conditions d’établissement des rapports, les modalités de recueil des données, les systèmes de gestion des données) pour soutenir les décisions d’achat pendant le COVID-19 ?
Vous pouvez écrire à : healthfinancing@who.int
Surveillez aussi les nouveaux messages que le réseau technique sur le financement de la santé publiera sur ce thème pour collaborer avec vous.
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Catégories: Investir plus, investir mieux, Gouvernement