Une déclaration des coprésidentes de la CSU2030 à l'occasion de...
28 avril 2020
Par l'équipe de financement de la santé au siège et dans les bureaux régionaux de l'OMS [1]
Lisez ce blog en espagnol ou en anglais.
Alors que les pays du monde entier réagissent à la pandémie de COVID-19, ils se concentrent sur l'organisation et la reconfiguration de la prestation de services de santé, par exemple les modalités de dépistage, les soins à domicile et l'augmentation de la capacité en lits des unités de soins intensifs, afin de répondre à l'évolution des besoins de la population. En même temps, ils doivent garantir les services de soins de santé pour les patients non atteints de la COVID-19.
Les lignes directrices sur la COVID-19, élaborées par l'OMS peuvent être consultées ici. L'un des principaux défis est que la réponse à la pandémie implique des coûts accrus au-delà des budgets précédemment prévus pour le secteur de la santé, et la plupart des systèmes de santé ne peuvent pas simplement les absorber.
Les gouvernements doivent redéfinir les priorités et allouer des fonds supplémentaires au ministère de la santé et aux autres acheteurs de services de santé, tels que les fonds d'assurance maladie, pour répondre aux besoins supplémentaires et urgents en matière de soins de santé.
Les modalités d'achat jouent un rôle important pour faciliter et soutenir les ajustements de la prestation de services en lien avec la pandémie, tant pour les services de santé COVID-19 que pour les services de santé non COVID-19. Il est également essentiel de garantir la viabilité financière des prestataires de services de santé et des acheteurs. Il est important que tout changement dans les modalités d'achat soit entrepris en conformité avec la stratégie de prestation de services en particulier.
Dans ce blog, nous proposons 5 actions d'achat critiques pour soutenir la réponse à la crise COVID-19.
1. Veiller à ce que les fonds publics se traduisent effectivement en biens communs pour la santé à travers des modalités d'achat appropriées
Les fonctions de santé publique et les services basés sur la population, tels que la surveillance globale (y compris les laboratoires), les systèmes de données et d'information, la réglementation et les campagnes de communication et d'information doivent être mis en place, priorisés et renforcés pour répondre à la pandémie.
Un financement public suffisant pour les biens communs pour la santé doit être assuré. La question essentielle est de transformer ces ressources en une prestation pour une mise en œuvre effectives de ces biens communs pour la santé.
Avant tout, ces ressources doivent parvenir de manière fiable et rapide aux agences et acteurs en charge de ces fonctions et activités. Les modalités d'achat prédominantes sont les allocations budgétaires aux institutions publiques, et tout obstacle à l'exécution complète et rapide des budgets doit être supprimé. Cela signifie que le fonctionnement efficace des systèmes de gestion des finances publiques est le facteur clé.
Pour mettre en œuvre les mesures renforcées de prévention et de contrôle des infections nécessaires pour gérer COVID-19 en toute sécurité, les établissements de santé ont besoin de paiements supplémentaires. D'autres activités, telles que la recherche des contacts et les tests en laboratoire, sont assurées par une multitude de prestataires, y compris les prestataires du secteur privé et les ONGs ainsi que les autorités (sanitaires) locales.
Il est donc nécessaire de mettre en place des modalités d'achat et des méthodes de paiement adaptées au contexte afin de permettre aux prestataires de fournir ces services et de les inciter à le faire. Enfin, les contrats de performance peuvent être utiles pour fixer des cibles à atteindre, et des mécanismes de redevabilité sont essentiels pour compléter les arrangements d'achat.
2. Élargir le panier de soins et informer le public avec des messages clairs et concis
Il peut être nécessaire de clarifier ou d'élargir le paquet de services afin de garantir que les soins de santé liés à la COVID-19 soient couverts, par exemple en ajustant la liste positive des services couverts, ainsi que les traitements et les diagnostics connexes. Ces changements sont idéalement imposés par des dispositions légales telles qu'un décret.
Comme nous l'avons souligné précédemment dans les axes prioritaires pour répondre à la COVID 19 dans le champ du financement de la santé, tous les co-paiements / frais d'utilisation pour tous les patients doivent être suspendus pendant une période de temps définie, pour garantir l'accès financier aux soins. Cela devrait également s'appliquer à l'assurance maladie volontaire.
Au Vietnam, par exemple, le traitement lié à COVID19 est payé par le budget du gouvernement et le dépistage est gratuit pour tous. En Afrique du Sud, le test COVID-19 est gratuit dans les hôpitaux publics. Des ressources supplémentaires sont nécessaires pour compenser les pertes de recettes des prestataires afin de les maintenir en activité. L'abandon des soins ou le financement insuffisant des établissements de santé compromettent les mesures de santé publique pour répondre efficacement à la pandémie de la COVID-19.
Les efforts de communication et d'information du public sont des mesures primordiales. Le personnel de santé et le grand public doivent connaître leurs droits concernant les services de COVID-19. Le gouvernement, le ministère de la santé, les caisses d'assurance maladie ou d’autres acheteurs de soins de santé doivent clairement préciser et inclure dans leur stratégie de communication sur les risques, dans les annonces publiques et les annonces via les médias sociaux les prestations qui sont garanties et gratuites afin d'éviter toute confusion.
3. Adapter les méthodes et les taux de paiement aux nouvelles modalités de prestation de services et assurer la continuité des flux de financement aux prestataires de soins de santé
Lorsque les prestataires, en particulier les hôpitaux, sont rémunérés à l’activité (par exemple, paiement à l'acte ou paiement par cas), ils risquent de faire face à de graves problèmes de trésorerie et à des pertes de revenus – par exemple en raison du report de soins médicaux non urgents. Dans le même temps, les établissements sont confrontés à une augmentation de leurs dépenses et des coûts (par exemple, l’augmentation du prix des intrants, l’achat d'équipements et de fournitures supplémentaires, la rupture des chaînes d'approvisionnement internationales, l’augmentation des besoins en personnel, etc.), qui ne peut être payée sur leurs recettes ordinaires.
Premièrement, les systèmes doivent rapidement fournir des fonds supplémentaires aux hôpitaux ainsi qu'aux établissements de soins de santé primaires, et les gestionnaires doivent être habilités à utiliser ces fonds de manière flexible pour compenser les pertes et s'adapter à l'évolution des besoins en matière de soins de santé.
Lorsque les établissements sont payés sur la base d’une facturation a posteriori (par exemple le paiement à l’acte ou le paiement au cas), il faut anticiper les paiements aux prestataires en faisant des avances (par exemple en fournissant un budget initial contre des facturations anticipées basées sur une certaine augmentation par rapport aux niveaux d'utilisation historiques).
Par exemple, aux Philippines, PhilHealth a prépositionné l'équivalent de 90 jours de paiements historiques de prestations journalières et l'a fourni aux hôpitaux et autres établissements de santé agréés. Dans la province de Hubei, en Chine, des paiements anticipés en espèces ont été effectués par les fonds d'assurance aux établissements de santé. Pour plus de détails sur la manière de budgétiser la réponse à la COVID-19 et les ajustements connexes des règles de gestion des finances publiques, cliquez ici.
Deuxièmement, les acheteurs doivent modifier les méthodes de paiement et les tarifs afin d’inciter au maintien des prestations existantes, tout en les encourageant d’adapter de nouvelles modalités, telles que les soins à domicile ou en dehors des hôpitaux, les nouvelles plateformes de tests et surtout la téléconsultation. Dans plusieurs pays, des méthodes de paiement permettant de rémunérer la téléconsultation ont été introduites pratiquement du jour au lendemain.
Par exemple, l'Institut national d'assurance maladie-invalidité belge a introduit deux nouveaux codes de service pour la téléconsultation des médecins concernant COVID-19. Dans ce contexte, il est utile d'encourager l'acquisition de la technologie permettant la pratique de la téléconsultation comme les logiciels de prise de rendez-vous en ligne et de vidéoconférence. Les incitations financières peuvent jouer un rôle de soutien à cet effet.
L’introduction de modalités de paiement spécifiques peut être également nécessaire pour permettre d’augmenter le nombre de lits dans les unités en soins intensifs, tout en précisant la manière dont les hôpitaux doivent être contractualisés et payés pour ces services.
En Allemagne, une prime forfaitaire de 50 000 euros a été payée pour encourager la conversion de lits d'hôpitaux en lits de soins intensifs. En outre, le remboursement aux hôpitaux et autres prestataires doit être ajusté pour compenser les baisses de demande de services dans d'autres domaines, comme lorsque des lits de soins intensifs sont gardés inoccupés pour les patients COVID-19 en reportant à plus tard les soins non urgents.
Enfin, les pays dont les systèmes de paiement comprennent une méthode de paiement à la performance devraient revoir et ajuster les objectifs de performance pour garantir que des soins appropriés soient fournis et que les incitations soient adaptées aux nouvelles modalités de prestation de services.
Des fonds supplémentaires seront également nécessaires pour garantir et encourager la disponibilité du personnel médical et pour récompenser son dévouement à travailler dans un environnement à haut risque et à effectuer des postes plus longs.
En France, par exemple, une prime spéciale s'ajoutant au paiement des heures supplémentaires a été introduite pour récompenser le dévouement du personnel et le risque qu'il prend pour répondre à la crise COVID-19. D'autre part, certains groupes de chirurgiens et de professionnels de la santé auront des revenus réduits en raison du report des soins non-essentiels et, dans certains pays, il faudra peut-être trouver des moyens pour les indemniser.
4. Utiliser les capacités du secteur privé là où elles sont nécessaires
L'offre du secteur privé - à but lucratif et non lucratif - est très répandue et très diversifiée dans de nombreux pays pour les diagnostics et les soins ambulatoires et hospitaliers. Alors que les pays tentent d'augmenter la capacité de réponse à la COVID-19, la contribution potentielle des prestataires privés doit être explorée, y compris leurs rôles et responsabilités potentiels dans la réponse nationale. Des orientations plus larges sur l'engagement avec les prestataires privés peuvent être trouvées ici.
Cela peut nécessiter l'élaboration rapide de protocoles (simplifiés) de passation de marchés et l'ajustement des règles de gestion des finances publiques. Il faut également préciser les critères d'enregistrement des prestataires, les modalités et les taux de paiement ainsi que les mécanismes de responsabilité pour garantir que les prestataires privés respectent les protocoles et les normes de traitement et la politique de gratuité des soins.
Au Nigeria, par exemple, les prestataires privés (et publics) peuvent fournir un traitement aux patients atteints de la COVID-19 après avoir été évalués par le comité d'accréditation COVID-19 du ministère fédéral de la santé. En Estonie, le secteur privé a été rapidement contractualisé pour augmenter la capacité globale à réaliser des tests.
5. Mettre en place des mécanismes de gouvernance pour accélérer la prise de décision et fixer des normes claires en matière de rapportage
Des décisions d'achat plus rapides pour la réponse COVID-19 nécessitent des dispositions de gouvernance efficaces. Des règles et des mandats clairs pour la prise de décision entre les agences gouvernementales ainsi qu'entre les différents niveaux de gouvernement pendant l'intervention d'urgence sont essentiels, et il peut être nécessaire de modifier les procédures pour accélérer la prise de décision.
Il est primordial de garantir une réponse coordonnée et harmonisée à la crise entre les acheteurs et les acteurs gouvernementaux (ministère de la santé, assurance maladie sociale, assurance maladie volontaire, etc.), ainsi qu'à l'égard des prestataires privés. Cela peut nécessiter la mise en place d'un organe de coordination. L'objectif est de minimiser et d'éviter les disparités dans le traitement des patients COVID et d'étendre les prestations aux groupes de population non couverts.
Des décisions devront être prises concernant les flux de financement qui couvriront les différents services dans le cadre de la réponse, la coordination des soins et les règles d'orientation, ainsi qu’une tarification et une grille tarifaire harmonisée. Les lois d'Etat d’Urgence ou les lois sur la santé publique prévoient souvent de telles règles, ou bien les pays doivent les introduire, avec un rôle clé pour le ministère de la santé.
Une base de données unifiée contenant des informations actualisées des acheteurs, telles que le nombre de cas suspects et confirmés ainsi que des détails sur les parcours de soins et les traitements fournis, est essentielle pour coordonner et ajuster la réponse COVID-19. Cependant, l'acquisition des données est souvent fragmentée et mal coordonnée.
Pour une meilleure planification à l’échelle de l’ensemble de la population, les gouvernements doivent harmoniser ou établir des normes claires de notification et d'enregistrement des cas pour les différents acheteurs afin d'assurer la cohérence des rapports, de surveiller la prestation de services et de disposer d'informations pertinentes et suffisantes pour prendre des décisions d'achat liées à la lutte contre la pandémie. Cela nécessite également la collecte de données sur tous les services et sur tous les groupes de population, y compris ceux qui ne bénéficient d'aucune couverture sanitaire explicite.
Conclusion
En conclusion, une approche stratégique de la fonction de l’achat est cruciale, car elle contribue à la réponse à la COVID-19 en maintenant la viabilité financière des prestataires, y compris les prestataires de services qui sont reportés pendant la pandémie, tout en équilibrant la nécessité de continuer à fournir des soins d'urgence non COVID-19. Les mesures d'achat ne peuvent pas être prises en isolement et doivent aller de pair avec d'autres mesures de financement de la santé et du système de santé.
Les ajustements dans la fonction d’achat doivent également s'aligner, entre autres, sur les normes de service et les mécanismes d'approvisionnement afin de garantir des critères techniques minimums pour les médicaments, les appareils et les autres technologies. Cela peut également contribuer à éviter la falsification. En outre, les régimes d'assurance maladie doivent trouver des moyens de gérer les retards de paiement des cotisations afin que personne ne perde sa couverture.
La fonction de l’achat crée également une marge de manœuvre pour innover en s'adaptant aux besoins changeants et aux limitations des mouvements des patients pendant la crise. Elle peut également permettre d'accroître l'efficacité et la réactivité du secteur de la santé à l'avenir, par exemple en encourageant l'adoption de nouveaux modes de prestation de services, tels que la téléconsultation. Ces innovations devraient être évaluées après la crise COVID-19 afin d'éclairer leur potentiel éventuel de rendre la fonction de l’achat plus efficace à long terme.
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