15 décembre 2020

Par le Dr Githinji Gitahi, PDG d’Amref Health Africa et Coprésident du Comité directeur de la CSU2030, et le Dr Maxim Polyakov, consultant principal, Politiques, plaidoyer et financement, United for Global Mental Health.

L’intégration de la santé mentale dans les activités de la CSU est déterminante pour le succès de la CSU et apportera des avantages qui dépassent largement le secteur de la santé

La nécessité d’accélérer les activités autour de la couverture santé universelle (CSU) n’a jamais été plus manifeste. Alors que nous arrivons à la fin d’une année hors du commun avec la pandémie de COVID-19, nous devrions redoubler d’efforts pour nous assurer que chacun, où qu’il se trouve, puisse avoir accès aux services de santé dont il a besoin, sans souffrir de difficultés financières. Mais, ainsi qu’un nouveau rapport l’explique, pour garantir le plein succès de la mise en œuvre de la CSU, il faut aussi intégrer la santé mentale dans les systèmes de santé, tout spécialement dans les services de santé primaires et communautaires.

Un atout pour la santé et une possibilité de formidables avantages

La santé mentale a pendant longtemps souffert d’un sous-investissement. C’est une occasion que les dirigeants nationaux et la communauté internationale n’ont pas su saisir. Investir en faveur de l’intégration de la santé mentale dans les services de santé est une façon de redresser l’équilibre, aussi bien pour améliorer la santé mentale des populations, un objectif essentiel en soi, que pour soutenir une prestation efficace des soins de santé physique.

De nombreuses données montrent que, lorsque les services de santé mentale sont associés aux programmes de santé physique, la combinaison des traitements de santé physique et mentale contribue à améliorer l’état de santé global. Les soins d’ensemble peuvent même coûter moins cher. Ainsi, l’inclusion d’interventions de santé mentale a réduit l’incidence du VIH et de la tuberculose et a amélioré l’observance des traitements.

Les personnes vivant avec des affections mentales courent quatre fois plus de risques d’être infectées par le VIH et les personnes souffrant d’une dépression ont 2,6 plus de risque de contracter la tuberculose. Un lien similaire existe entre la santé mentale et les maladies non transmissibles. Compte tenu des multiples comorbidités entre les affections de santé mentale et les troubles de santé physique, la santé mentale est un élément central pour réussir à mettre en place la CSU et assurer des soins complets, axés sur la personne et d’un bon rapport coût-efficacité.

Outre les résultats sanitaires, il y a de solides raisons économiques justifiant d’intégrer la santé mentale dans la CSU. L’investissement en faveur de la santé mentale peut procurer un avantage clairement positif aux économies, en produisant cinq dollars en gains de productivité et en retombées sanitaires positives pour chaque dollar investi dans les affections courantes de santé mentale. Dans une perspective encore plus large, étant donné l’impact positif d’une bonne santé mentale sur le développement humain et la productivité économique dans son ensemble, nous pensons qu’elle devrait être explicitement ajoutée comme élément supplémentaire de l’indice de capital humain de la Banque mondiale.

Un impératif des droits de l’homme

Enfin, mais c’est un point essentiel, la pleine intégration de la santé mentale dans la CSU se justifie par un impératif des droits de l’homme. C’est un fait tragique que les personnes vivant avec des troubles de santé mentale sont souvent parmi les plus vulnérables de la société, qu’elles sont incarcérées et enchaînées, subissent des mesures de coercition et une surmédicalisation, et souffrent de stigmatisation et d’exclusion. 

En conjonction avec des initiatives comme les activités de sensibilisation communautaire, en élargissant la disponibilité de soins de santé mentale de qualité, fondés sur les droits et à assise communautaire, les acteurs peuvent aider à réduire les occasions de maltraitance et améliorer la perception des troubles de santé mentale. Un exemple est de promouvoir des activités pour faire comprendre que les affections de santé mentale sont évitables, gérables et traitables.

Cela étant, l’intégration de la santé mentale dans la CSU d’une manière respectueuse des droits serait un pas important vers la mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la réalisation des droits des personnes vivant avec des troubles mentaux, notamment les droits à la santé, à la protection contre la torture, à la liberté et à la sécurité de la personne, parmi d’autres.

Nous n’avons jamais été mieux informés des bénéfices que pourrait nous procurer l’intégration de la santé mentale dans la CSU. Le succès de cette entreprise dépendra de véritables engagements politiques et de la mobilisation de ressources nationales et/ou d’un financement catalytique de donateurs nationaux et internationaux. Nous avons plusieurs plans et directives pour guider nos efforts, notamment le Plan d’action de l’OMS pour la santé mentale 2013-2020, l’Initiative spéciale de l’OMS pour la santé mentale 2019-2023 et des publications de la Banque mondiale comme Changer la donne (Moving the needle).

Il a aussi été très stimulant d’assister au lancement du nouveau Compendium de l’OMS sur la CSU qui réunit des données, des conseils et une analyse des coûts dans une plateforme unique pour guider la mise au point d’un ensemble complet adapté au contexte national. Le Compendium inclut explicitement la santé mentale pour aider les décideurs à déterminer de quels services leur population a besoin et comment les assurer.

La santé mentale n’est pas facultative. Elle fait partie intégrante de la santé. Et si nous n’agissons pas dès maintenant, nous risquons de manquer un élément capital et un facteur contribuant au succès de la CSU. Avec une impulsion mondiale vers l’objectif de la CSU d’ici à 2030, il est urgent d’inclure la santé mentale dans les réformes du secteur de la santé, dès aujourd’hui.

Pour de plus amples informations, prière de lire le rapport de United for Global Mental Health No Health without Mental Health: the Urgent Need for Mental Health Integration in Universal Health Coverage (Pas de santé sans la santé mentale : il est nécessaire d’intégrer de toute urgence la santé mentale dans la couverture santé universelle).

Auteurs

Dr Githinji Gitahi, PDG d’Amref Health Africa. Le Dr Gitahi est Coprésident du Comité directeur de la CSU2030, une initiative internationale de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour la couverture santé universelle (CSU). Il est membres de réponse au COVID-19 de l’Union africaine et il siège au Conseil d’administration du Centre africain pour le contrôle et la prévention des maladies. Le Dr Gitahi est réviseur du rapport de United for Global Mental Health No Health without Mental Health : the Urgent Need for Mental Health Integration in Universal Health Coverage 

Dr. Maxim Polyakov, consultant principal, Politiques, plaidoyer et financement, United for Global Mental Health. United for Global Mental Health rassemble la communauté mondiale de la santé mentale, les gouvernements, les bailleurs de fonds et les militants pour s’assurer que chacun, où qu’il se trouve, puisse faire appel à quelqu’un s’il a des problème de santé mentale. Cette organisation à but non lucratif a été créée à l’ONU en septembre 2018, Le Dr Polyakov est l’un des auteurs du rapport de United for Global Mental Health No Health without Mental Health: the Urgent Need for Mental Health Integration in Universal Health Coverage

Photo : une mère et son enfant quittent le centre de bien-être de Pursukoon Zindagi, un espace sûr de consultation établi dans un environnement à faibles ressources.
Crédit : Shehzad Noorani

Catégories: Ne laisser personne de côté, Défendre la qualité des soins

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