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19 avril 2021
Principaux messages de l’initiative « Préparer le redémarrage » du Projet de collaboration sur la gouvernance des systèmes de santé
Par Benjamin Rouffy-Ly, consultant, OMS ; Godelieve Van Heteren, consultante internationale principale sur les transformations des systèmes sociaux et de santé ; Benjamin Downs Lane, conseiller sur les systèmes de santé, OMS,
Pour tirer des enseignements utiles de la pandémie et donner à chaque personne, où qu’elle se trouve, une meilleure chance de vivre en bonne santé et dans le bien-être, quels grands changements devons-nous tous réclamer ? Dans les nombreux débats sur une gouvernance transformatrice des systèmes de santé déclenchés par la pandémie actuelle, trois considérations fondamentales sont apparues à maintes reprises. Dans l’esprit d’initiatives comme Reprendre possession d’une santé publique complète et le rapport de décembre 2020 de l’organisation the Elders, « Reconstruire en mieux pour la santé universelle », un consensus se fait jour selon lequel le moment est venu 1) de revisiter nos systèmes de santé publique et de préparer l’avenir ; 2) de prioriser la couverture santé universelle aux niveaux national et mondial ; et 3) de promouvoir des sociétés en meilleure santé grâce à des politiques holistiques et un développement social inclusif.
Depuis mars 2020, le Projet de collaboration sur la gouvernance des systèmes de santé a contribué à ces débats par le biais de l’initiative « Préparer le redémarrage ». Voici nos principales idées sur la manière de progresser dans ces trois domaines.
1. Préparer les systèmes de santé publique pour l’avenir : tenir les engagements en matière de biens communs pour la santé
Les sociétés doivent de toute urgence s’attaquer au sous-approvisionnement chronique des biens communs pour la santé, ces biens que le marché ne peut fournir en quantité suffisante et qui ont un impact majeur sur la santé. La plupart des fonctions essentielles de la gouvernance de la santé publique, comme les réglementations et les systèmes de surveillance de base, entrent dans cette catégorie et sont une partie importante d’un système de santé bien préparé pour répondre aux crises.
La pandémie actuelle a prouvé sans équivoque la véracité de ce que l’on disait depuis des décennies : le coût de la fourniture des biens communs est nettement moins onéreux que celui d’une pandémie ou de toute autre crise affrontée sans préparation. Mais parce que les biens communs ont des coûts plus tangibles que leurs avantages qui risquent de n’être perçus qu’à long terme, beaucoup de gouvernements n’ont guère été incités à les prodiguer.
La visibilité est un ingrédient important d’une action collective réussie, et la « santé » a rarement été plus visible. Le moment est venu pour les sociétés d’exiger la fourniture de biens communs pour la santé qui sont essentiels pour que les systèmes de santé soient plus justes et mieux préparés aux menaces sanitaires futures. Il faudrait pour cela reconnaître que ces biens communs pour la santé nécessitent en général une action multisectorielle et une approche élargie de la santé et de ses déterminants. Nous en voyons maintenant une ébauche dans l’approche Un monde, une santé, la santé planétaire et la « reprise verte » de l’OMS.
2. Prioriser la couverture santé universelle aux niveaux national et mondial : construire depuis le terrain et aller au-delà du secteur de la santé
Dans cette crise, la plupart des gouvernements ont eu recours à des décisions centralisées et unilatérales et des mesures coercitives à grande échelle. Si une autorité ferme est nécessaire en période de crise, la participation insuffisante des citoyens a miné la confiance, qui, dans certains cas, était déjà érodée et fragilisée en raison de précédents exemples de participation pas toujours bénéfiques. Cela a eu des conséquences négatives sur l’acceptabilité des mesures de santé publique. Confrontés à des choix impossibles et n’ayant pas d’option optimale, s’ils s’étaient activement tournés vers les communautés, les dirigeants auraient pu discuter de plusieurs options sous-optimales et imaginer collectivement des solutions et des compromis mieux adaptés aux contextes locaux, tout en minimisant les répercussions négatives.
Nos délibérations ont souligné que les communautés recèlent d’immenses ressources du point de vue des connaissances, des capacités, de la souplesse et de l’ingéniosité. Les OSC et les réseaux locaux ont souvent été les premiers à proposer des solutions concrètes et une assistance pratique aux personnes vulnérables pendant cette pandémie. Donner aux individus et aux communautés les moyens d’être les acteurs de leur propre santé et examiner les processus de décentralisation afin de faire cadrer les capacités et les responsabilités, et renforcer l’autonomie sont des mesures qui pourraient être extrêmement bénéfiques pour progresser vers la CSU et les objectifs de développement durable (ODD) en général.
Les ODD peuvent être un outil puissant pour demander des comptes à nos gouvernements et aligner nos activités collectives. Nous avons besoin de mesures suivies pour opérationnaliser les ODD au niveau local et comprendre comment ils sont liés aux préoccupations quotidiennes des personnes. Dans tous les contextes nationaux, être capable d’expliquer ce que des progrès dans le programme des ODD signifieraient pour notre vie de tous les jours et comment notre comportement a le potentiel d’y contribuer, peut nous aider à garder à l’esprit que nous aussi avons un rôle à jouer dans leur réalisation.
Plus généralement, la crise a montré que nos vies sont liées les unes aux autres. Cette prise de conscience aigüe peut nous inciter à adopter enfin « l’approche plus large » des systèmes de santé, une approche souvent citée qui tient compte de l’importance des déterminants sociaux, environnementaux et commerciaux de la santé et reconnaît ouvertement que l’état de santé dépend de bien plus d’éléments que les seuls soins de santé.
Les approches fondées sur l’ensemble du gouvernement ont exhorté les administrations cloisonnées à apprendre à s’unir pour planifier et mettre en œuvre les mesures. Les approches de l’ensemble de la société dépendent de la capacité des gouvernements à trouver des moyens de collaborer utilement avec les sociétés, soutenir les dialogues avec de multiples acteurs, notamment le secteur privé et surtout les personnes. Beaucoup ont déjà plaidé en faveur de ces approches. Le moment est maintenant venu de faire avancer ces programmes.
3. Promouvoir des sociétés en meilleure santé par des politiques holistiques et le développement social : décider ensemble et faire passer la santé en premier
La nature intrinsèquement politique de la riposte au COVID-19 a abouti dans certains cas à des formes « d’instrumentalisation de la science » – avec des choix conscients ou inconscients en vue de décider quelles « sciences » et quels « scientifiques » guident et justifient les politiques et de quelles manières – qui ont miné la prise de décision à base factuelle. Les interactions entre les politiques et la science sont complexes et débouchent souvent sur des dilemmes. Dans certains endroits, les politiciens ont utilisé des références à la « science » pour se décharger d’une partie de leurs responsabilités. Dans d’autres cas, les autorités centrales ont trop décidé seules, ainsi que le montre une récente cartographie de la réponse de gouvernance. À l’avenir, les dirigeants doivent : 1) élargir la base scientifique pour la définition des politiques ; 2) renforcer la participation d’ensemble ; et 3) assumer plus clairement la responsabilité de leurs choix :
- Les organes consultatifs sur le COVID sont en mesure de fournir les conseils les plus complets et adaptés au contexte lorsqu’ils sont composés d’experts issus de différentes disciplines biomédicales et des sciences sociales, et qu’ils tiennent compte de la façon dont les recommandations politiques risquent d’influer sur différents groupes avec différentes vulnérabilités.
- La définition des politiques est plus solide quand elle se déroule au moyen de processus inclusifs et participatifs qui prêtent attention aux craintes et appréhensions des individus. C’est particulièrement vrai lorsqu’on envisage des mesures qui limitent les libertés individuelles, risquent de nécessiter d’importants compromis et ont souvent des conséquences différentes sur différentes parties de la population.
- La science n’est pas un substitut de la politique. L’exercice de l’autorité consiste à envisager les données, consulter diverses parties prenantes et, en fin de compte, faire un choix, le communiquer clairement et avec compassion, et en assumer la responsabilité.
Dans certains pays, les ripostes à la pandémie ont semblé réactives, restreintes par une priorité spécifique à la biosécurité, et guidées principalement par l’optique biomédicale prédominante des systèmes de santé. À plus long terme, cela ne saurait convenir. Pour interpréter la santé comme un état de bien-être et non pas simplement l’absence de maladie, nous devons renouveler notre engagement à des systèmes de santé qui vont au-delà des soins de santé, et à une santé publique complète qui soit à la fois réactive et proactive.
Enfin, la pandémie et les réponses qui lui ont été données ont exacerbé les divisions sociales et en ont créé de nouvelles : les personnels de santé par opposition à d’autres professions, les salariés par opposition à la classe moyenne et les élites, ceux qui peuvent télétravailler par opposition à ceux qui ne le peuvent pas… Comment pouvons-nous construire la cohésion sociale et l’inclusivité sociale et faire de la santé et de systèmes de santé consolidés une partie centrale de nos sociétés ? L’avènement de sociétés plus justes et plus intégratrices devrait être un objectif en soi, de même qu’une condition préalable de la santé pour tous. Il est devenu évident que nul ne sera en sécurité tant que tout le monde ne sera pas en sécurité, et l’équité mondiale, la justice sociale et sanitaire constituent la seule voie pour parvenir à une véritable « sécurité » et un avenir durable. Comment pouvons-nous reconnaître que la « santé » est fondamentale dans les relations internationales ? Nous sommes tous interdépendants : et la santé concerne tous les facteurs qui nous relient les uns aux autres et à notre environnement.
Une vision pour l’avenir
Une année de délibérations collectives a renforcé la volonté de beaucoup d’œuvrer pour des sociétés plus justes, plus inclusives et plus résilientes. En tant qu’êtres humains, nous pouvons et devons nous adapter. Nous pouvons et devons utiliser la crise pour amener une prise de conscience collective de ce qui est nécessaire pour nos sociétés. Nous devons poursuivre nos efforts, surmonter la résistance au changement et exiger un leadership inspirant et une gouvernance inclusive.
Une année d’échanges sur l’initiative « Préparer le redémarrage » nous a insufflé un certain optimisme. Nous fondant sur nos expériences et réflexions collectives, nous pouvons changer d’axe, créer l’avenir durable dont nous avons si désespérément besoin et dessiner des voies claires et pratiques pour y arriver. Nous sommes tous impliqués dans cette crise mondiale. Nous sommes tous acteurs de la redéfinition de contrats sociaux acceptables, depuis le niveau local jusqu’au niveau mondial. Nous pouvons tous mettre nos énergies dans des solutions de rechange qui fonctionnent.
Le Projet de collaboration sur la gouvernance des systèmes de santé continuera donc à promouvoir ces conversations et identifier des activités pour amener des changements utiles. Pour participer, rejoignez notre plateforme web ou contactez-nous directement.
Ce blog du Projet de collaboration sur la gouvernance des systèmes de santé fait partie d’une série de blogs des initiatives apparentées à la CSU2030 qui travaillent sur les systèmes de santé. Les initiatives apparentées à la CSU2030 encouragent une action collective pour des systèmes de santé plus solides qui protègent tout le monde. En savoir plus.
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