6 mai 2020

Par des collègues de la CSU2030.

Sonnez l’alarme : des personnes sont laissées de côté dans la prise de décision sur le COVID-19

Pour certains groupes particulièrement vulnérables tels que les personnes âgées, les personnes handicapées, les individus qui souffrent de problèmes de santé physique ou mentale et ceux qui sont à risque de violence et de maltraitance, les mesures restrictives ont d’importantes répercussions négatives. La santé et le bien-être de ces personnes, dans tous les sens, sont érodés. Dans certains cas, les personnes se trouvent dans des situations extrêmement menaçantes et potentiellement mortelles.

Qui prend donc ces décisions sur l’isolement et le confinement ? Comment leurs jugements tiennent-ils compte de l’impact plus large sur la population et les effets secondaires de ces restrictions, spécialement sur les personnes vulnérables ? Nous sommes un groupe de collègues travaillant sur la couverture santé universelle et nous avons décidé de faire une analyse rapide de 24 équipes spéciales nationales sur le COVID-19 pour identifier leur composition et enquêter sur le processus de prise de décision. Ce que nous avons découvert était consternant.

Composition des équipes spéciales sur le COVID-19

L’analyse de 24 équipes nationales sur le COVID-19 (de toutes les régions) a montré que, dans leur écrasante majorité, elles étaient principalement formées de politiciens, de virologues et d’épidémiologistes masculins. La faible représentation des femmes est inquiétante, tout comme le fait que seuls de très rares experts non sanitaires ont été inclus dans les équipes spéciales. Ainsi, nul travailleur social, aucun expert de santé mentale, pas de spécialistes de la santé et du développement de l’enfant, non plus que d’experts sur les maladies chroniques ou la médecine préventive, pas de juristes des droits de l’homme. Si ces types d’experts ont été consultés, c’est surtout après coup.

Les organisations de la société civile ne participent guère à la prise de décision sur le COVID-19, sauf dans quelques pays. Près de 175 organisations de la société civile, qui ont répondu à une enquête menée par le biais du Mécanisme de participation de la société civile pour la CSU2030, ont déclaré que leur travail sur le COVID-19 était indépendant de leur gouvernement.

De plus, il y a très peu de transparence sur les personnes que ces équipes spéciales consultent dans leurs décisions. Les données qui étayent les décisions semblent être scientifiques et basées sur la recherche d’institutions universitaires au lieu de se fonder sur les réalités que vivent les groupes les plus négativement touchés par l’isolement et les mesures restrictives.

Dans certains pays, les équipes spéciales sont formées exclusivement de membres du gouvernements et dans ces cas, une approche intersectorielle faisant appel aux ministères de l’éducation, de l’intérieur et des finances est plus probable.

Décisions transparentes et action multisectorielle

En tant qu’équipe, nous avons consulté un vaste éventail de sites Internet, de journaux et de documents gouvernementaux dans plusieurs langues pour trouver l’information dont nous avions besoin pour cette analyse. Souvent, nous avons eu du mal à obtenir suffisamment de renseignements sur les personnes qui prenaient les décisions, comment les décideurs parvenaient à leurs conclusions et quelle était la position des conseillers.

La transparence est de la plus haute importance dans ces semaines et mois de crise nationale autour du globe. La transparence est nécessaire sur les personnes qui prennent les décisions et celles qui influencent ces décisions. Aujourd’hui, plus que jamais, les voix de ceux qui sont les plus laissés pour compte, les plus vulnérables dans nos sociétés, doivent être entendues. Le mantra des objectifs de développement durable – ne laisser personne de côté – doit être clamé haut et fort pendant cette pandémie.

Pour que les réponses nationales au COVID-19 soient véritablement efficaces et réduisent les dommages qui peuvent potentiellement se produire chez les personnes les plus vulnérables du monde, le préfixe « multi » doit être appliqué à tous les efforts. La réponse doit être multidimensionnelle, multidisciplinaire, multisectorielle et multipartite.

Les gouvernements doivent consulter et recruter plus largement dans toutes les disciplines et tous les secteurs, dans la santé et au-delà. Ils doivent mobiliser véritablement leurs organisations de la société civile qui parlent souvent pour les secteurs les plus pauvres et les plus vulnérables de la société. Le mouvement pour une couverture santé universelle (CSU) prévoit dans l’une de ses six demandes clés que les parties prenantes « avancent ensemble » afin de parvenir à la CSU. Nous devons bien écouter cette revendication et « avancer ensemble » maintenant, à l’époque du COVID-19.

Conclusion

En conclusion, il est déplorable que la prise de décision des gouvernements ignore les conséquences sociales de l’isolement et des mesures de confinement du fait du COVID-19. Les personnes, les professions et les organisations qui ont contribué utilement à façonner chaque réponse nationale au COVID-19 ne participent tout simplement pas au processus de prise de décision et de réponse des gouvernements. Cela devrait faire retentir une sonnette d’alarme pour tout le monde. S’il y a une chose que nous avons apprise d’une autre crise provoquée par un virus (le VIH), c’est que la population, les communautés et la société civile font partie intégrante de la solution à la crise.

Commentaire du BMJ

Ce blog est fondé sur un commentaire publié dans le British Medical Journal : Governance of the COVID-19 response: a call for more inclusive and transparent decision-making. Auteurs : Dheepa Rajan  (1) Kira Koch (1) Katja Rohrer (1) Csongor Bajnoczki (1)  Anna Socha (2) Maike Voss  (3) Marjolaine Nicod (2) Valery Ridde (4) Justin Koonin (5) 

Organisations

  1. Partenariat CSU2030 et Projet de collaboration sur la gouvernance des systèmes de santé, Organisation mondiale de la Santé, Genève, Suisse
  2. Partenariat CSU2030, Genève, Suisse
  3. Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité (SWP), Berlin, Allemagne
  4. CEPED, Institut de recherche pour le développement, IRD-Université de Paris, ERL INSERM SAGESUD, Paris, France
  5. AIDS Council of New South Wales (ACON), Surry Hills, Nouvelle-Galles du Sud, Australie

Catégories: Garantir l’impulsion politique au-delà de la santé, Réguler et légiférer, Société civile et communautés, Gouvernement

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