Une déclaration des coprésidentes de la CSU2030 à l'occasion de...
9 septembre 2020
Par Regina Titi-Ofei 1, Hillary Kipruto 2, Aminata Binetou-Wahebine Seydi 3, Benson Droti 4, Humphrey Karamagi 5, Prosper Tumusiime 6 du Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique
Publié pour la première fois le 31 août sur les blogs de la revue BMJ Global Health
La pandémie de COVID-19 a exposé les vulnérabilités des systèmes de santé de la région de l’Afrique, notamment dans les systèmes d’enregistrement des faits de l’état civil et des statistiques de l’état civil. Cette année, la semaine africaine de l’état civil a étudié ces vulnérabilités avec une série de webinaires sur le thème suivant : enregistrement des faits de l’état civil et statistiques de l’état civil comme services essentiels pour surveiller et atténuer l’impact des urgences.
Pendant les urgences sanitaires, des systèmes de santé résilients sont nécessaires pour documenter et notifier les décès et la cause des décès avec exactitude et ponctualité, afin de révéler le tribut réellement prélevé par la pandémie sur une population donnée. L’accent que la communauté de développement et les organes directeurs des systèmes de l’état civil dans la région ont placé sur cette question thématique n’aurait pu être plus opportun.
Les pays de la région de l’Afrique continuent d’avoir du mal à assurer certaines des fonctions les plus élémentaires des systèmes de l’état civil telles que le dénombrement et la déclaration des décès, la cause des décès et les naissances. D’après une enquête réalisée par la Commission économique pour l’Afrique, seuls 18 des 54 pays de la région enregistrent et notifient les décès annuels et à peine quatre pays africains ont un niveau de couverture de l’enregistrement des décès et des informations sur la cause des décès qui correspond aux normes internationales. L’OMS indique aussi que jusqu’à 30 des 47 États membres (64%) n’avaient presque aucune capacité (capacité naissante) en matière d’état civil et 13 (28%) possédaient une capacité limitée. À peine quatre des 47 États membres pouvaient être décrits comme ayant mis en place des capacités satisfaisantes et parmi ces quatre pays, les capacités en matière d’état civil pouvaient être décrites comme durables uniquement dans un seul pays ; les capacités dans les trois autres étaient développées mais non viables. Ces statistiques sont particulièrement inquiétantes pendant la pandémie mondiale puisqu’elles signifient que l’aptitude des pays à évaluer la charge réelle du COVID-19 sur leurs populations, notamment la mesure ponctuelle de la surmortalité, reste gravement limitée.
De plus, ces statistiques fournissent un marqueur précoce de la probabilité de la sous-notification des décès imputables au COVID-19 dans les pays de la région. Nous supposons que la sous-déclaration s’explique par le fait qu’en Afrique, beaucoup de décès se produisent en dehors des établissements de santé, avec à peine un décès sur trois pris en compte par les systèmes d’enregistrement officiels. Des difficultés demeurent aussi en raison des tests limités du COVID-19 ; il est donc possible que certains décès causés par le COVID-19 n’aient pas été comptabilisés ou certifiés suite aux faibles capacités d’attribution de la cause des décès dans beaucoup des pays de la région.
Alors que les pays s’emploient à « reconstruire en mieux » et à renforcer la résilience de leurs systèmes de santé, on ne saurait trop insister sur l’amélioration des capacités nationales de création de statistiques sur la mortalité. Nous proposons des solutions potentielles pour renforcer les systèmes d’enregistrement des faits de l’état civil et des statistiques de l’état civil dans les pays de la région de l’Afrique.
Premièrement, une participation accrue des communautés à la notification et l’enregistrement des décès et de la cause des décès pourrait améliorer sensiblement la qualité des statistiques de l’état civil disponibles dans les pays. Les activités de plaidoyer et de sensibilisation auprès des institutions religieuses, des organisations confessionnelles, des autorités locales et des systèmes de chefferie ont le potentiel d’améliorer les statistiques sur la mortalité au niveau communautaire. Deuxièmement, l’établissement de systèmes de surveillance rapide de la mortalité pour stimuler les capacités à détecter la surmortalité, ventilée par facteurs clés de stratification de l’équité comme le sexe, l’âge, la zone géographique et l’unité administrative sous-nationale, donne la possibilité d’améliorer la capacité d’un dénombrement en temps réel des décès, qui pourrait être utilisé pour guider des mesures politiques ciblées. Troisièmement, les systèmes de l’état civil devraient être considérés comme des services essentiels, avec un fonctionnement ininterrompu, pendant de telles périodes. Les données préliminaires notifiées par les pays africains à l’Équipe spéciale des Nations Unies sur l’identité juridique montrent que dans certains pays, les services de l’état civil ont été suspendus et l’impact des mesures de confinement prises par les autorités ont influé sur l’utilisation et la demande de ces services. Dans les pays où l’utilisation des services de l’état civil a chuté, on observe de nombreuses conséquences, notamment la privation potentielle de l’accès aux services sociaux essentiels tels que les soins de santé, l’éducation et l’aide humanitaire pour certaines populations clés, ainsi que le risque de conséquences négatives sur les résultats de santé de ces pays.
Le monde a connu d’innombrables pertes et reculs du fait de la pandémie de COVID-19. La stagnation des progrès de la région et de l’engagement à améliorer la disponibilité de statistiques de l’état civil reste une menace, mais il est important que les pays continuent de donner la priorité au renforcement et au déploiement de systèmes de l’état civil afin de veiller à ce que les progrès accomplis au fil des ans ne soient pas perdus à jamais.
La région AFRO de l’OMS maintient sa volonté de soutenir les États membres dans l’adoption et la mise en œuvre d’outils et d’approches pour notifier les décès et la cause des décès, notamment pour une amélioration du certificat médical de la cause de décès dans les centres de santé ; l’autopsie verbale pour les décès qui se produisent dans les communautés ; et la Classification internationale des maladies (CIM-11) pour une notification normalisée des causes de décès. L’OMS et ses partenaires s’emploient aussi à aider les pays dans l’application de systèmes de surveillance rapide de la mortalité, par exemple l’établissement de systèmes sentinelles représentatifs de surveillance de la mortalité, pour disposer d’informations en temps réel qui permettent d’évaluer l’impact de la pandémie et de mesurer la surmortalité.
Enfin, le partage par les pays des leçons tirées sur les pratiques pour l’amélioration de la qualité et des capacités des systèmes de l’état civil donne une plateforme essentielle pour repérer les innovations dans d’autres contextes, pour la transposition et le déploiement durable. Maurice illustre clairement où des enseignements peuvent être retirés sur des systèmes résilients pour l’enregistrement des décès pendant des urgences sanitaires telles que la pandémie de COVID-19.
La commémoration de la semaine africaine de l’état civil a réalimenté la discussion sur l’importance des systèmes d’enregistrement des faits de l’état civil et des statistiques de l’état civil, en particulier pendant les urgences sanitaires, et a encouragé les pays à avancer vers la production et la notification de statistiques de qualité sur les décès et la cause des décès. C’est le moment !
Tous les auteurs travaillent au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique
Regina Titi-Ofei1, Hillary Kipruto2, Aminata Binetou-Wahebine Seydi3, Benson Droti4, Humphrey Karamagi5, Prosper Tumusiime6
1 Unité des données, des analyses et de la gestion des connaissances
2 Unité des systèmes d’information sanitaire
3 Unité des données, des analyses et de la gestion des connaissances
4 Unité des systèmes d’information sanitaire
5 Unité des données, des analyses et de la gestion des connaissances
6 Groupe de la couverture santé universelle et du cycle de vie
Intérêts concurrents : les auteurs déclarent n’avoir aucun intérêt concurrent.
Photo : © OMS / Hery Razafindralambo