La CSU2030 a organisé sa réunion annuelle à l'occasion de la...
10 juillet 2019
Nursing Now est une campagne mondiale destinée à améliorer la santé en relevant le statut et le profil des personnels infirmiers. C’est un programme du Burdett Trust for Nursing, mené en collaboration avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Conseil international des infirmières (CII) qui est récemment devenu membre de la CSU2030.
L’OMS a officiellement désigné 2020 comme l’année des infirmières et des sages-femmes et, avec les soins infirmiers de toute évidence en plein essor, la CSU2030 s’est entretenue avec Lord Nigel Crisp, Coprésident de la campagne Nursing Now, pour en savoir plus.
Lord Crisp, pouvez-vous nous parler de la campagne Nursing Now et de ce qu’elle souhaite réaliser ?
Je suis Coprésident du Groupe parlementaire multipartite du Royaume-Uni sur la santé mondiale et nous avons mené une étude des soins infirmiers au niveau mondial et publié notre rapport « Triple impact » en 2016. Notre étude m’a convaincu que l’une des mesures les plus efficaces que l’on puisse prendre pour améliorer la santé dans le monde est d’autonomiser les infirmières. Nous ne sommes pas parvenus à ce que nos recommandations soient prises au sérieux, alors nous avons lancé cette campagne.
Très simplement, les infirmières dans beaucoup de pays sont bien formées, mais elles ne sont pas autorisées à travailler en réalisant pleinement leur potentiel. Franchement, c’est en partie dû au fait que ce sont des femmes – souvent le traitement réservé aux infirmières dans un pays correspond à la condition de la femme en général – et c’est en partie parce qu’elles ne sont pas médecins. Nous avons lancé la campagne pour dire : « Penchez-vous à nouveau sur le cas des infirmières. Comprenez que les infirmières peuvent faire davantage si nous le leur permettons. En particulier, elles ont un rôle de premier plan à jouer pour parvenir à la couverture santé universelle. »
Les infirmières représentent la moitié des personnels de santé ; nous estimons qu’il y a 24 millions d’infirmières dans le monde. C’est un atout massif négligé que nous devrions développer afin qu’il puisse avoir un impact plus important.
Il y a cinq domaines pratiques qui constituent un argument convaincant pour l’autonomisation des infirmières. Le premier domaine est la forte hausse de maladies non transmissibles ou chroniques comme le diabète, la démence, l’asthme, l’insuffisance cardiaque. Si vous regardez ce qui se produit dans beaucoup de pays à revenu élevé, mais pas dans tous, vous verrez que les centres de santé gérés par des infirmières sont en nette augmentation. Ainsi, par exemple, au Royaume-Uni, la plupart des centres de prise en charge du diabète sont dirigés par des infirmières. Des médecins sont disponibles, mais la contribution médicale n’est qu’une petite partie des soins dont les patients diabétiques ont besoin. Nous affirmons que si nous avons davantage de centres dirigés par des infirmières pour ces affections de longue durée, nous pourrons élargir substantiellement l’accès à des soins de santé de qualité.
Le deuxième domaine est le besoin d’infirmières plus spécialisées ou de praticiennes avancées en soins infirmiers. À nouveau au Royaume-Uni, et dans plusieurs autres pays, des infirmières peuvent rédiger des ordonnances, elles sont les premières répondantes pour le service d’ambulance et elles peuvent administrer certains traitements. Il y a donc des fonctions élargies pour les infirmières et un rôle encore plus important que celui que les infirmières jouent traditionnellement. Cela nous permet de couvrir un territoire beaucoup plus vaste et d’assurer un niveau beaucoup plus élevé de services.
Le troisième domaine concerne les soins primaires et, à nouveau au Royaume-Uni, nous commençons à assister à une augmentation du nombre d’infirmières dans les soins primaires. C’est le début d’une tendance. En Afrique, l’infirmière est la première professionnelle que voient la plupart des membres du public. Nous devons donner à ces infirmières davantage de soutien et développer les soins infirmiers car il est possible d’amener des infirmières dans des sites de prestation des soins primaires où vous ne pouvez pas obtenir de médecins. En général, les médecins ne vont pas travailler dans les zones rurales. Avec les nouvelles technologies informatiques et de la communication, on peut s’attendre à voir de plus en plus d’infirmières assurer ces services.
Ainsi, par exemple, dans des zones rurales du Kenya, les sages-femmes utilisent des petits échographes sur les femmes enceintes et transmettent les résultats directement aux centres régionaux à Nairobi, afin que les médecins puissent surveiller les femmes pendant leur grossesse et dépister les mères et les bébés à risque. C’est un merveilleux exemple de ce que les sages-femmes peuvent faire. Il y a des exemples aussi avec les soins infirmiers, où les infirmières peuvent réaliser des actes qui étaient auparavant du seul ressort des médecins à l’hôpital.
Dans les soins primaires, les agents de santé communautaires sont très importants, mais leur action est bien sûr limitée. Ils doivent être supervisés et ont besoin de référents qui peuvent s’occuper des patients qu’ils ne sont pas en mesure de traiter eux-mêmes. Les infirmières sont parfaites pour ce rôle.
Notre modèle de soins de santé primaires est d’avoir des agents de santé communautaires dans les zones et villages les plus éloignés qui sont supervisés par des infirmières qui ont à leur tour accès à des médecins. De cette manière, on peut vraiment atteindre de vastes populations, ce qui est important pour la CSU.
Le quatrième domaine est la profession de sage-femme, qui est un métier distinct, mais nous plaidons aussi pour les sages-femmes de la même manière que nous le faisons pour les infirmières. Le cinquième domaine est le plus sous-développé et concerne la promotion de la santé et la prévention dans la santé publique. Ici, les infirmières ont un avantage naturel puisqu’elles font partie de la culture locale et de la communauté. Alors, plutôt que des médecins ou des spécialistes, ou même des journalistes qui arrivent et disent aux gens ce qu’ils doivent faire, les infirmières peuvent se charger de ces missions, avec plus de chances d’être écoutées.
Tels sont les cinq domaines où nous pensons que les infirmières et les sages-femmes peuvent faire une contribution massive à la CSU. Elles peuvent y parvenir en conjonction avec d’autres professionnels puisque les soins multidisciplinaires sont importants. Mais les infirmières sont formées en trois ans, alors que les médecins requièrent neuf années d’études, et les infirmières peuvent faire beaucoup plus que les agents de santé communautaires. Alors elles doivent absolument faire partie de l’ensemble. Ces arguments parlent d’eux-mêmes ! C’est pourquoi nous devons mettre davantage l’accent sur les soins infirmiers.
Je ne suis pas infirmier, mais mes amis du personnel infirmier me disent : « Le problème est que les infirmières ne sont pas appréciées à leur juste valeur. Elles sont invisibles, ce sont de « gentilles » femmes qui font des choses. Elles ne sont donc jamais associées aux politiques. » J’exagère un peu volontairement, mais c’est certainement ce que ressentent les infirmières ; qu’elles sont ignorées et considérées comme allant de soi.
Au contraire, nous devons nous assurer que nous associons les infirmières à la définition des politiques afin de comprendre comment susciter ces changements réellement efficaces dont je viens de parler. Nous devons faire en sorte que les infirmières soient plus nombreuses aux postes de direction afin qu’elles veillent à ce que les autres acteurs comprennent ce qui arrive. Les infirmières sont présentes là où d’autres ne le sont pas.
Il est très important de dire que Nursing Now n’est pas une campagne de soins infirmiers, c’est une campagne de santé. Son slogan est « Améliorer la santé dans le monde en relevant le profil et le statut du personnel infirmier. » Cela revient à mon premier point qui est l’une des mesures les plus importantes que nous pouvons prendre pour améliorer la santé dans le monde : reconnaître ce que les infirmières font et peuvent faire, et autonomiser les infirmières partout dans le monde.
Qui peut participer à la campagne ?
Il s’agit d’une vaste campagne. Nous avons commencé il y a un peu plus d’un an et nous avons maintenant 282 groupes Nursing Now dans 89 pays. Par exemple, le Pakistan a lancé la campagne en octobre avec le Président et le Ministre de la santé qui se sont engagés à investir davantage dans les soins infirmiers pour les raisons que nous avons citées. L’Australie, les États-Unis et la Colombie viennent de lancer la campagne. Le Cambodge l’a fait le 20 juin et l’Irlande début juin. Le point important est que ces groupes ne sont pas seulement formés d’infirmières. Ce sont des groupes multipartites. Ils prennent les priorités globales et les utilisent pour créer leurs propres priorités locales car ce qui arrive au Cambodge est différent de ce qui se passe au Canada. Les pays doivent déterminer leurs propres priorités, mais dans l’orientation globale du renforcement du rôle des infirmières, en leur permettant de contribuer encore davantage à la CSU.
Si vous voulez former un groupe national Nursing Now, nous avons cinq conditions. La première est que vous souteniez la campagne. Deuxièmement, que vous associez le responsable national des soins infirmiers, le cas échéant. Troisièmement, que vous mobilisiez l’association nationale des soins infirmiers, si elle existe. Quatrièmement, que vous collaboriez avec du personnel non infirmier. Le conseil de la campagne Nursing Now est par exemple composé aux deux tiers de femmes et un tiers d’hommes, et aux deux tiers d’infirmières et un tiers de personnels non infirmiers. Et cinquièmement, que vous associez les jeunes infirmières. Et vous pouvez avoir toutes les autres parties prenantes que vous souhaitez. Il n’y a qu’un seul groupe national dans un pays et il s’enregistre auprès de nous, mais il peut y avoir davantage de groupes locaux qui peuvent s’enregistrer aussi. Le groupe ne se substitue pas à l’association nationale de soins infirmiers. La campagne Nursing Now ne s’occupe pas seulement de promouvoir la profession, elle souhaite améliorer la santé et réaliser la CSU.
Mais, bien sûr, nous nous efforçons de promouvoir la profession comme carrière vraiment attirante pour les jeunes infirmières et sages-femmes, et nous avons lancé un grand défi Nightingale où nous demandons à tous les employeurs de santé de former les jeunes infirmières et sages-femmes. Nous espérons compter au moins sur un millier d’employeurs et au moins 20 000 jeunes infirmières et sages-femmes participantes. Il s’agit ainsi de montrer que les professions d’infirmière et de sage-femme sont des carrières attirantes, mais aussi prodiguer un soutien à la nouvelle génération qui va véritablement changer les soins infirmiers comme professionnels, militants et dirigeants.
Pouvez-vous donner un exemple de ce que pourraient être les activités d’un groupe Nursing Now ?
Oui, Nursing Now Ouganda a organisé un atelier de deux jours pour déterminer quelles étaient leurs principales priorités et les participants en ont trouvé plusieurs. Ils souhaitaient un nouveau responsable en chef des soins médicaux, ils voulaient que la formation des infirmières bénéficie d’une priorité accrue, ils voulaient des changements dans les réglementations afin que les infirmières puissent jouer un rôle plus important dans la CSU. Ce qui est intéressant en Ouganda est que le Secrétaire permanent et le Ministère de la santé défendent activement ces revendications. Ils comprennent les besoins des personnels de santé. Mais ce sont vraiment les infirmières qui vont partout et si vous pouvez renforcer les soins infirmiers, vous pouvez obtenir un grand retentissement sur la qualité ainsi que sur la couverture et l’accès. Et sur les coûts aussi car, en général, avoir un service de soins primaires basé sur les infirmières avec des médecins pouvant être consultés en cas de besoin est une manière rentable de les organiser.
Merci de votre temps Lord Crisp
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