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20 septembre 2019
Observations d’un partenaire de la CSU2030
Le Conseil international des infirmières (CII) partage ses observations sur la manière dont les infirmières jouent un rôle vital pour parvenir à la couverture santé universelle.
En mai 2019, le Conseil international des infirmières a signé le Pacte mondial de la CSU2030 pour progresser vers une couverture santé universelle et a adhéré à la CSU2030. Nous nous sommes entretenus avec Annette Kennedy, Présidente du CII, pour mieux connaître les activités du Conseil et comprendre pourquoi les infirmières sont si importantes pour parvenir à la couverture santé universelle (CSU).
Le point de vue d’Annette Kennedy, Présidente du CII
« Le CII, qui représente plus de 20 millions d’infirmières dans le monde, considère que les soins de santé sont un droit humain pour tous ; pas seulement des soins de santé, mais des soins de santé de qualité, ponctuels, accessibles et d’un coût abordable. Le pays ou l’endroit où vit une femme ne devrait pas déterminer si elle survit ou décède parce qu’elle ne peut pas se payer des soins ou qu’ils sont inaccessibles. Pas plus qu’un enfant ne devrait être emporté par la malnutrition ou une maladie infectieuse en raison du lieu de sa naissance. Un agent de santé ne devrait pas mourir parce qu’il travaille dans un pays qui dispose de ressources de santé insuffisantes pour lui offrir une protection appropriée lorsqu’il soigne des patients dans des environnements à haut risque comme la lutte contre la maladie à virus Ebola.
« Les infirmières représentent près de la moitié des personnels de santé dans le monde et elles assurent presque 80% des soins directs. Elles sont souvent les premiers membres du personnel de santé à voir les patients et parfois les seuls professionnels de santé qu’ils rencontreront. Elles prodiguent des soins, un soutien et un traitement aux malades, aux blessés et aux mourants, et elles épaulent les familles et les communautés. Elles détectent les maladies, administrent les médicaments, assistent les opérations chirurgicales, traitent les patients après le diagnostic initial, apportent un soutien moral et assument plusieurs autres fonctions essentielles. Par conséquent, les infirmières sont intrinsèquement liées à la capacité d’un pays de s’attaquer aux priorités de santé
« Les infirmières sont au cœur des priorités de santé actuelles dans le monde, en luttant contre les infections et les maladies non transmissibles, notamment l’augmentation de la résistance aux antimicrobiens, en s’attaquant aux urgences sanitaires et en contenant les pandémies. Pour que l’objectif de la couverture santé universelle (CSU) d’ici à 2030 reste à notre portée, les pays doivent investir massivement en faveur de la profession infirmière, aujourd’hui et à l’avenir.
« Les infirmières doivent aussi répondre aux besoins de tous. Maintenant, avec les spécialisations, elles sont à un niveau où elles peuvent poser un diagnostic, prescrire et traiter les patients. On ne sait pas toujours que les infirmières peuvent obtenir des licences, maîtrises et doctorats et que, dans beaucoup de pays du monde, elles réalisent un travail extraordinaire pour traiter les patients. Il est probable que la société civile et même nos propres partenaires en soins de santé ne comprennent pas ou ne reconnaissent pas le travail important accompli par les infirmières.
« Ces trois dernières années, pour la Journée internationale des infirmières, le CII a recueilli des récits de services dirigés par des infirmières et de leurs succès à travers le monde. Cela nous a fait comprendre que les infirmières doivent être très créatives et novatrices pour prodiguer des soins de santé et des soins infirmiers aux personnes les plus vulnérables dans la société, celles qui en ont le plus besoin et celles qui vivent dans des zones éloignées et difficiles à atteindre. Ce qui m’a impressionnée plus que tout, c’est la manière dont les infirmières, en dépit des difficultés qu’elles rencontrent, peuvent élargir, réorienter et réduire leur rôle de manière créative et ingénieuse pour s’adapter aux circonstances des patients.
« Cette année, les récits portaient sur la CSU et ils donnent des perspectives très intéressantes sur les soins infirmiers. Par exemple, les infirmières en Ouganda donnent des conseils sanitaires de base dans des villages en rapport avec l’assainissement et l’hygiène, comme se laver les mains, faire bouillir l’eau, nettoyer la maison et ôter l’eau stagnante où les moustiques peuvent se reproduire. Tout cela est important pour la santé. Les infirmières nouent des relations qui fonctionnent très bien avec une communauté et des agents locaux de village. Ce sont de petites activités, mais qui peuvent modifier la donne. Aux États-Unis, les infirmières instaurent des partenariats avec des travailleurs sociaux et établissent des liens communautaires en rapport avec les sans-abris, les personnes qui souffrent d’addiction ou qui ont été incarcérées et n’ont pas accès aux établissements de santé à leur sortie de prison.
« D’après les informations que le CII a recueillies dans nos récits, il est évident que le monde doit se centrer davantage sur les soins de santé primaires (SSP). Dans les pays à revenu élevé, les dépenses de santé vont pour la plupart aux soins tertiaires et la principale proportion des soins de santé concerne les cinq dernières années de vie. C’est au détriment des soins primaires, avec une très faible priorité à la promotion de la santé, à la prévention des maladies et aux interventions précoces. Néanmoins, il y a beaucoup de formidables exemples d’infirmières se rendant dans des régions où elles peuvent voir et évaluer des patients au niveau des soins primaires. Ainsi, aux États-Unis, les infirmières vont dans le massif des Appalaches où les gens ne peuvent probablement pas se payer des soins de santé et ont une assurance maladie très rudimentaire ou pas d’assurance du tout. Les patients ne demandent pas de traitement jusqu’à ce qu’ils soient très malades avec beaucoup de complications. Les infirmières se sont déplacées dans ces zones écartées et ont assuré des séances d’évaluation pour l’hypertension, le diabète et d’autres maladies non transmissibles. On estime que des économies de 4 milliards de dollars ont été réalisées en raison de la baisse de 19-24% du nombre de personnes qui sont allées aux urgences. Les résultats de cette intervention précoce donnent aux gens une existence de meilleure qualité et rallonge leur vie.
« Il est saisissant de constater que l’épidémie croissante de maladies non transmissibles (MNT) a surpassé les épidémies de maladies infectieuses ; pas moins de 75% des décès sont causés par les MNT (maladies respiratoires, troubles cardiovasculaires, cancers, diabète et santé mentale). Beaucoup de ces affections sont évitables ou, tout au moins, un traitement précoce peut donner vingt années supplémentaires de vie de meilleure qualité. Il nous faut passer d’un modèle de soins curatifs à des soins préventifs et de l’hospitalisation aux soins primaires. Les pays à revenu faible ou intermédiaire ne doivent pas copier ce qui a été fait dans les pays à revenu élevé car cela les desservira dans leurs efforts pour mettre en place la CSU.
« Les soins de santé primaires sont un domaine où les infirmières peuvent faire la différence puisqu’elles sont basées dans la communauté et qu’elles travaillent avec les familles, les éducateurs et les groupes communautaires. Les infirmières connaissent les patients, leurs familles, leurs structures d’appui, leurs besoins de santé, leurs problèmes personnels et économiques. Elles savent quels services sont disponibles et ceux qui font défaut. En d’autres termes, les infirmières ont une vue globale, non seulement du patient, mais aussi du service. Qui est mieux placé qu’elles pour guider la politique de santé ? Mais, afin d’étayer la politique de santé, les infirmières doivent être conviées à s’exprimer autour de la table.
« Ces dernières années, le CII a certainement collaboré activement avec beaucoup d’institutions internationales comme l’OMS, l’OIT, les Nations Unies et les organisations de femmes comme Women Deliver et bien sûr notre partenaire Nursing Now. Nous devons participer à ces groupes pour agir car les infirmières, non seulement grâce à l’endroit où elles travaillent et à ce qu’elles font, mais du fait de leur perspective globale des soins de santé, ont beaucoup à offrir aux politiques de santé. Si les décideurs et les gouvernements ne prennent pas les informations auprès des personnes qui prodiguent véritablement les soins, je ne sais pas comment ils sauront quel modèle il convient d’appliquer. Ces dernières années, le CII a collaboré étroitement avec l’OMS sur les MNT, les SSP et la CSU pour transmettre l’expérience des soins infirmiers aux politiques et stratégies au niveau mondial, mais cette méthode doit être transposée par les infirmières participant à la politique de santé aux niveaux régional, national et local.
« Il manque 9 millions d’infirmières dans le monde. Cela doit vraiment changer si nous voulons parvenir à la CSU. Les femmes représentent 70% des personnels de santé dans le monde, et elles travaillent en général dans des fonctions à faible statut et mal rémunérées. La réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la CSU se déroulera bientôt et j’aimerais voir les États Membres honorer leur engagement de renforcer les personnels de santé, notamment en trouvant des solutions pour le recrutement et la rétention des infirmières. Sans investissements en faveur du personnel infirmier et de l’amélioration des conditions d’emploi, les gouvernements ne retiendront pas les infirmières dans le personnel de santé et ne parviendront donc jamais à mettre en place la CSU. Si l’on enlevait les infirmières des soins de santé, les services de santé ne pourraient pas exister ; je n’ai aucun doute à ce sujet.
« Nous tous ensemble, gouvernements, société civile, professionnels de santé et nous-mêmes, avons la responsabilité de promouvoir les soins infirmiers. La campagne Nursing Now a beaucoup contribué à relever le profil des infirmières dans les domaines politiques et à promouvoir le leadership parmi les infirmières. L’année prochaine, 2020, sera une date exceptionnelle car l’OMS l’a désignée comme Année internationale des infirmières et des sages-femmes. C’est aussi le 200e anniversaire de Florence Nightingale et le moment de la publication du premier rapport sur la situation des soins infirmiers dans le monde, autant d’événements qui contribueront à relever le statut et le profil des personnels infirmiers et garantiront que le plein potentiel des infirmières soit exploité.
« Au cours du Congrès du CII à Singapour plus tôt dans l’année, le Dr Tedros, Directeur général de l’OMS, a affirmé que le projet de l’OMS ne peut être réalisé sans les infirmières. Effectivement, quand les compétences des infirmières seront utilisées au mieux de leur potentiel, le monde verra la différence dans la manière dont les soins sont prodigués. »
Études de cas du Conseil international des infirmières