15 octobre 2019

Événement parallèle pendant la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Se faire entendre : la participation sociale pour l’équité et la redevabilité sur la voie vers la CSU

La participation sociale est vitale pour garantir le droit fondamental à la santé et à des progrès équitables pour la couverture santé universelle (CSU). La valeur ajoutée de la participation sociale est de veiller à ce que les voix des populations marginalisées soient entendues, ce qui renforce la transparence et la redevabilité dans les processus des politiques de santé. Les mécanismes de gouvernance participative sont donc essentiels pour des réformes réactives et fondées sur les besoins, qui ne laissent personne de côté sur la voie vers la CSU. 

Tels sont certains des principaux messages partagés pendant un événement organisé parallèlement à la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la CSU, qui s’est tenue le 23 septembre 2019 à New York. L’événement était coparrainé par la Thaïlande, l’OMS, la CSU2030 et le Mécanisme de participation de la société civile pour la CSU2030. Des orateurs issus de gouvernements, de la société civile et de l’Organisation mondiale de la Santé ont partagé leurs idées sur les raisons qui font que la participation sociale est importante, sur ceux qui sont assis à la table et ceux qui ne le sont pas, et comment la participation sociale peut être mise en œuvre efficacement. 

Justin Koonin, Président d’Accon et représentant du Mécanisme de participation de la société civile au sein du Comité directeur de la CSU2030, a animé la discussion de groupe et ouvert la réunion en affirmant que les gouvernements ne sont pas seuls sur la route vers la CSU. « Nous sommes ici pour rappeler aux gouvernements que ‘la santé pour tous’ ne deviendra pas une réalité sans nous », a-t-il rappelé. 

Pourquoi la participation sociale est-elle importante ? 

Nicholas Kojo Alipui, membre du Groupe indépendant d’experts de la redevabilité créé par le Secrétaire général de l’ONU (IAP) pour l’initiative Chaque femme, chaque enfant, a rappelé à chacun des données claires qui confirment que les résultats de santé sont nettement meilleurs quand les personnes participent et collaborent aux processus de définition des politiques de santé. Les gens doivent diriger la planification, le suivi et les mesures correctives pour des résultats sanitaires positifs. « Dans les 40 pays que nous avons étudiés, nous avons constaté que lorsque la société civile est plus active dans les pays, les résultats de santé sont meilleurs », a remarqué M. Alipui. 

La participation et la voix des citoyens sont des principes fondamentaux des objectifs de développement durable, ainsi que le reflète la cible 16.7, « faire en sorte que le dynamisme, l’ouverture, la participation et la représentation à tous les niveaux caractérisent la prise de décisions ». Plusieurs États membres ont établi des mécanismes pour la participation de la population à grande échelle, comme l’Assemblée nationale de la santé en Thaïlande, les États généraux de la santé en France et le Dialogue sociétal sur la santé en Tunisie. Pourtant, ils demeurent l’exception, puisque peu de pays associent systématiquement et véritablement la population, les communautés et la société civile aux procédures de prise de décision dans le secteur de la santé. Il faut faire bien davantage dans le monde pour garantir une participation authentique et mieux exploiter les résultats sanitaires pour parvenir à la CSU. 

Le Dr Subandi Sardjoko, Sous-Ministre des affaires humaines, sociales et culturelles, Indonésie, a donné trois raisons pour lesquelles la participation est importante pour la CSU. Elle aide à identifier et à recruter des communautés qui seraient autrement laissées de côté ; elle peut mobiliser et étayer la volonté politique ; et elle est capable de renforcer la formulation des politiques de santé, la transparence et la redevabilité en la matière.  

Qui est à assis à la table et qui ne l’est pas ?

L’intention et la volonté de participer ont été considérées comme essentielles. Oahn Khuat, Directrice exécutive, Centre for Supporting Community Development Initiatives/SCDI, Viet Nam, a remarqué : « La participation commence avec la volonté. Il faut avoir la volonté de parler et de repousser les limites si l’on veut se faire entendre. La technologie nous permet de participer même sans accès aux espaces. Tout commence avec la volonté. »

D’autres points soulevés concernaient la manière d’identifier et d’inclure les populations qui ne forment pas les « groupes classiques » dans les procédures participatives. « Nous entendons beaucoup dire qu’il ne faut laisser personne de côté, mais qui laisse-t-on de côté ? Nous devons définir qui sont les laissés-pour-compte et veiller à ce qu’ils participent », a précisé la Dre Poonam Singh, Directrice régionale de l’OMS pour la région de l’Asie du Sud-Est.

Rosemary Mburu, WACI Health, Kenya, a souligné l’importance de la qualité de la participation. « Investir dans la santé n’est enrichissant que si les préférences des personnes sont prises en compte. »

Comment mettre en œuvre une participation sociale efficace ?

Les exemples nationaux ont soulevé d’intéressantes questions autour de la façon d’encourager véritablement la participation sociale. Le succès de la Thaïlande avec la CSU est dû en grande partie à la participation de la population, et 50 000 personnes ont signé une proposition pour la CSU qui est devenue une loi. Néanmoins, il est plus difficile de soutenir des mécanismes de la CSU pour l’appropriation par la population. Le Dr Jadej Thammathataree, Secrétaire général adjoint du Bureau national de la sécurité sanitaire, Thaïlande, a signalé : « La participation ne suffit pas. Il faut l’appropriation. » En Thaïlande, cinq sur 30 membres du Conseil de la CSU sont issus de la société civile, et des mécanismes tels que les audiences publiques, un mécanisme de plainte, des centres d’appel et un financement communautaire ont permis à la population de participer et de s’approprier la CSU. 

Le Dr Ahmed Al Mandhari, Directeur régional de l’OMS pour la région de la Méditerranée orientale, a partagé l’expérience des activités régionales pour la participation sociale et il a donné l’exemple du Dialogue sociétal sur la santé en Tunisie, comme modèle pour la région, parallèlement aux efforts de la République islamique d’Iran pour lier les activités de participation communautaire locale aux processus nationaux de définition des politiques. « Ces expériences sont étudiées rigoureusement et aboutissent à une nouvelle vision ‘pour tous et par tous’, qui associe aussi les parlementaires », a-t-il précisé. 

Stéphanie Seydoux, Ambassadrice en charge des questions de santé dans le monde, France, a partagé la longue expérience française avec la participation sociale, la « démocratie sanitaire ». « Dans les années 90, le sida a représenté un tournant et le mouvement autour du sida a aidé à transformer le système médical en un système de santé où la participation des patients, de la société civile et d’autres secteurs est devenue inscrite dans la loi », a-t-elle rappelé.

Angela Chaudhuri, Directrice, Swasti Health Catalyst, Inde, et Réseau technique de participation sociale, a expliqué clairement que le travail avec les communautés ne peut être purement symbolique, qu’il doit se dérouler sur le long terme pour instaurer des partenariats et qu’il faut le doter de ressources suffisantes. « Pour mettre en œuvre la participation communautaire, il est nécessaire d’avoir l’intention, l’esprit, la lettre et l’action », a-t-elle affirmé. 

La Dre Jane Ruth Aceng, Ministre de la santé, Ouganda, a parlé la recherche de moyens de délibération pour garantir la transmission des voix des communautés depuis le niveau local jusqu’au niveau national. Elle s’est demandé comment assurer un espace politique aux OSC dans la définition des politiques nationales afin d’obtenir une participation fructueuse des deux côtés. Elle a répondu à une question sur la gestion du dialogue avec la société civile si cette dernière a des idées totalement en opposition à celles du gouvernement. « Qu’il y ait ou non des opinions opposées, le dialogue est de toute façon nécessaire. En fait, il est encore plus indispensable quand les idées divergent afin de trouver un terrain commun et il faut parfois accepter de ne pas être d’accord », a estimé la Dre Aceng.  

En réponse à des demandes des États membres et aux recommandations de l’Équipe spéciale sur la collaboration entre les OSC et l’OMS, l’OMS prépare un manuel conjointement avec les acteurs de la société civile et les représentants des États membres afin de donner les meilleurs conseils pratiques sur la manière de travailler utilement et efficacement avec les populations, la société civile et les communautés. Le projet de manuel sur la participation sociale pour la CSU sera publié pour consultation à l’occasion de la Journée de la CSU au mois de décembre prochain et sera lancé au cours de l’Assemblée mondiale de la Santé en mai 2020.

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